mercredi 18 novembre 2009

Le Chien Andalou

J’ai la main poisseuse. Dedans je n’avais pas vu, ton image ta voix ton passé , comme une torture une redondance, qui me déchire les tendons et les muscles, comme une courroie étirée entre les organes soumis au coups de pioche, de cuir et de peur.
Une obsession. Obsession de toi. Teintée de douleur, évidemment ; je suis comme ça.


Une main trouée. Des fourmis peut-être. la mémoire grouille, mille idées de ton visage. Ô, amours chiennes, qui nous laissent la gueule cassée, les tripes acrobates et les pianos en l'air, l'air malheureux et sombre seuls assis sur le bord des trottoirs désertés.

Une obsession, comme le fantôme d’un meurtre commis à l’aveuglette, d'une vengeance hasardeuse. J'étais, moi, la criminelle en habit de satin, proche du mort, le menton dans la plaie, ce précipice nouveau, inédit, le menton étonné de se voir tâché par l'humide sang d'encre d'une nuit de Lune.

Macchabée à la beauté si sublime que ses yeux vides et menteurs me hantent. Les bulles blanches de ce que le mort ne dira plus. Fixité, et paresse de l’âme.
Son indifférence ; ce crime là. Souvenir de l'écume, à mes lèvres repentantes.

L’odeur du mort aimé plante ses griffes et sa bouche dans les mollesses de l’âme, là où les sentiments les plus tendres viennent poreusement s’échouer. Écume de l’écume d’un souvenir.

Entre ses canines, un peu de toi, de ta représentation, maudite ou fanée, idéale ou trichée. Peut-on mordre l’image, la déchirer de ses dents à peine des crocs, la pleurer et la tordre comme un vulgaire mouchoir de papier, quand on voudrait d’une menotte agile agiter un peu de dentelle blanche par la fenêtre d’un train qui s’en va, qui ne cesse de s’en aller…

Ce serait ça, le dessin de la tristesse de l’autre, celle sur le départ, celle qui est loin, en ces terres d’orient que je ne saurais imaginer sans débris de passion. Ce serait l’image parfaite de cette main qui étend le souvenir futur le long de la ligne de chemin de fer, traçant virtuellement le lien qui te relie à elle.

L’invisible est solide, rien ne l’entrave. Alors que ces pauvres petits nœuds que je tente naïvement de tisser entre ton ombre et mon sommeil, c’est la vie même qui les polit, dans les remous réguliers de ses plus lourdes vagues. Des périodes, que l’on nomme minutes, heures, jours, semaines ; on ânonne les mois qui s’égrènent , en arrachant consciencieusement les pages du calendrier comme une enfant trop sage, et au fur et à mesure de ces déchirements – du papier, pas du cœur- l’attente si terrible s’allège et se colore, et la mélancolie devient ce chant suranné, surgi des temps lointains, et les marins perdus meurent en souriant au bras des belles sirènes.

L’histoire s’arrête là, faute de temps, faute d’idée. la légende ne dit pas le nom de celle.

Des fourmis.

Il n’y aura rien d’autres que la trace d’une étreinte , d’un porche et d’une lune pleine – d’une scène inventée, parfaitement cinématographique il disait- dans la mémoire de celle qui raconte.


Il n’y aura rien de plus que cette main poisseuse, hésitant au point virgule ; et la nausée arborant, avec insolence, ses airs de paria.

Rien de plus qu’une main, trouée d’un visage. Un fourmillement.


- une obsession -

1 commentaire:

  1. C'est un peu la force de la vague éternelle du passé que tu racontes, le chant d'une sirène agonisante, ses cheveux d'algues rougissantes au crépuscule. La tentation de l'onde noire et profonde durant la nuit, sur l'esquif de la tentative. Puis le soleil, à nouveau, à l'horizon, une nouvelle vie, un nouvel hymne. Le désir de tout oublier, malgré l'algue morte qui s'accroche encore à nos doigts.

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